Soutenance d’habilitation de Madame Carola Hähnel-Mesnard
devant la Faculté des Lettres de Sorbonne Université
le vendredi 11 décembre 2020 à 13h
en visioconférence
contact: carola.hahnel-mesnard[at]univ-lille.fr
Titre de la note de synthèse :
Questions du réel – réponses esthétiques.
Recherches sur les rapports au pouvoir, à l’histoire et à la mémoire dans la littérature de langue allemande (XXe-XXIe siècles)
Titre de l’inédit :
Zeiterfahrung und gesellschaftlicher Umbruch in Fiktionen der Post-DDR-Literatur. Literarische Figurationen von Zeitwahrnehmung im Werk von Lutz Seiler, Julia Schoch und Jenny Erpenbeck
Le jury est composé de :
M. Bernard BANOUN (garant) – Professeur des Universités à Sorbonne Université
Mme Florence BAILLET – Professeure des Universités à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3
Mme Valérie CARRÉ – Professeure des Universités à Sorbonne Université
Mme Françoise LARTILLOT – Professeure des Universités à l’Université de Lorraine
M. Stephan PABST – Privatdozent (Dr. habil.) à l’Université de Halle
M. Ralf ZSCHACHLITZ – Professeur des Universités à l’Université de Lyon 2
Résumé du document inédit
À partir d’un corpus littéraire constitué des œuvres narratives de trois auteur.e.s faisant aujourd’hui partie du « canon » de la littérature contemporaine dite « post-RDA » (Lutz Seiler, Jenny Erpenbeck, Julia Schoch), le document inédit interroge la césure historique de 1989 et sa représentation littéraire, notamment en ce qu’elle concerne une rupture de la perception temporelle. L’étude examine la façon dont la littérature en tant que mise en fiction d’expériences personnelles et culturelles reflète et figure le changement de la perception du temps lié au passage aussi bien d’une époque à l’autre que d’une société à l’autre. Il ne s’agit pas seulement d’analyser l’expérience temporelle en tant que thème des œuvres étudiées, mais bien au contraire d’en relever les formes proprement littéraires, d’étudier les symboles utilisés, les aspects narratologiques de la remise en question de la linéarité du récit, les phénomènes de continuité ou de disruption, d’interroger également les modèles littéraires ou culturels auxquels les auteurs recourent. La problématique de la perception du temps invite ainsi à analyser la représentation littéraire de la période du changement depuis 1989 sous un autre angle que celui d’une représentation réaliste mimétique des événements historiques.
L’œuvre de Lutz Seiler permet une confrontation entre la perception du temps avant et après 1989 et met en scène des personnages qui se soustraient au régime temporel dominant. La mise en scène d’un état liminal, les thèmes de l’archaïque et du mythe fonctionnent comme éléments d’une décélération temporelle aussi bien au niveau du présent que du passé. Le topos de l’insularité évoque une hétérochronologie et un entre-temps représentatifs des changements de 1989, l’atemporalité de l’art et de la poésie situent les personnages dans un temps différent de celui de l’histoire. Les récits et romans de Julia Schoch sont davantage ancrés dans un présent ressenti comme problématique. Ils sondent les potentialités non développées du passé, l’espace des possibles d’un futur qui n’a pas été vécu. Par ailleurs, les personnages et les intrigues rappellent des concepts développés par les sociologues et les philosophes du temps comme le « présent étendu » (H. Nowotny, H. U. Gumbrecht), « l’inertie polaire » (P. Virilio) ou « l’identité situative » (H. Rosa). La question du jeu devient la métaphore d’un présent imprévisible et l’histoire est réinterprétée en fonction d’un vécu ayant définitivement acté la rupture et l’interruption d’une linéarité et d’une « flèche du temps » vers un avenir prévisible. Jenny Erpenbeck, enfin, représente la rupture temporelle de 1989 à travers le modèle culturel et littéraire de la métamorphose, exprimant ainsi le conflit entre le temps historique et le temps individuel au niveau d’une vie. Par ailleurs, elle élargit la perspective au-delà de la rupture de 1989 à l’histoire allemande et européenne du XXe siècle, tout en déployant des éléments esthétiques qui sont l’expression du vécu d’une rupture temporelle comme d’une vision de l’histoire soudainement transformée.