HOMMAGE A JEAN DAVID (1932 – 2024)
Les collègues messins tiennent à faire part de leur émotion à la suite de la disparition, le 4 décembre 2024 de Jean David, qui, au cours d’une longue carrière a agi à tous les niveaux au service de son université et de notre discipline.
Admis à l’âge de vingt ans à l’École normale supérieure de Saint-Cloud, reçu à l’agrégation d’allemand en 1956, Jean David a pris son premier poste à Metz au lycée de garçons (aujourd’hui lycée Fabert), où il a enseigné de 1956 à 1962. Devenu en 1962 assistant à la Faculté des lettres de Nancy, il revient à Metz en 1968, en qualité de chargé d’enseignement (grade supprimé en 1984) au département d’allemand de la toute jeune Faculté des lettres et sciences humaines, officiellement créée en novembre 1968.
Avec quelques autres, dont Jean Moes avec qui il restera indéfectiblement lié, il joue un rôle de pionnier en ces temps héroïques de la création de l’Université de Metz. Élu doyen de la Faculté des lettres en décembre 1970, il s’implique personnellement dans presque tous les dossiers. En octobre 1971, il installe les littéraires dans leurs locaux tout neufs de l’île du Saulcy. Il conforte et élargit la palette des formations existantes et encourage les débuts d’une recherche proprement messine. Avec la création en 1973 de la filière Langues étrangères appliquées (LEA), il ouvre des voies nouvelles, répondant à une demande d’ouverture vers l’extérieur, en particulier dans une région transfrontalière. Dès 1970, il met en place un grand Service de formation continue. Très tôt ouvert aux méthodes modernes de l’enseignement des langues, il œuvre avec ses collègues au développement des laboratoires de langues, ce qu’il avait déjà entrepris à Nancy, à la Faculté des lettres et à l’École des Mines.
Cette activité pionnière s’illustre aussi en recherche : en effet, il codirigera le Centre d’Analyse Syntaxique avec Robert Martin, étant avec lui cofondateur de ce centre en 1971. Tous les deux furent aussi à l’origine de la collection Recherches Linguistiques longtemps diffusée par les éditions Klincksieck. Plus globalement, Jean David ne cessera jamais de publier, à l’exception peut-être de la période de sa présidence de l’université. Outre sa thèse d’État intitulée « Syntaxe structurale, syntaxe systématique. Contribution à l’analyse de la phrase allemande en thème et rhème » rédigée sous la direction de Jean Fourquet et soutenue en 1979 en Sorbonne, il est l’auteur d’une trentaine de contributions savantes, tant en allemand qu’en français, sur divers sujets de linguistique. Il a aussi produit, dans le cadre d’ouvrages collectifs ou d’actes de colloques, de nombreux articles consacrés à l’enseignement de l’allemand et du français.
Docteur d’État et Professeur des universités, Jean David fut élu le 10 septembre 1979 président de l’Université Paul Verlaine de Metz, charge qu’il devait exercer pendant près de neuf ans, jusqu’en 1988. Durant ce long mandat, il fut confronté à plusieurs crises dues au manque de locaux et au sous-encadrement de l’Université de Metz, mais aussi aux retombées locales de la politique universitaire nationale : loi Sauvage (1981), loi Savary, promulguée en 1984, mais appliquée à Metz en 1988 seulement, loi Devaquet (1986). Il eut aussi à relever le défi posé par la forte augmentation des effectifs étudiants (+ 48 % entre 1981 et 1987). En président ouvert, qui savait joindre la compétence à la bienveillance, l’efficacité à la cordialité, privilégiant la négociation à l’affrontement, Jean David réussit à faire front avec ses équipes.
Son mandat s’est surtout caractérisé par une triple ouverture :
– Ouverture « intellectuelle », pour reprendre sa propre formule, avec le renforcement des formations existantes, et surtout le développement de filières pluridisciplinaires, dont plusieurs affichaient une finalité professionnelle marquée. Il porta ainsi la création de l’Institut d’administration des entreprises (IAE, 1981-1988).
– Ouverture « sociologique » ensuite, dont la formation permanente devait être le ressort principal. Jean David en fut le promoteur, lui qui s’était auparavant déjà investi au CUCES à Nancy. Il est le père de la formation continue à l’Université de Metz. Du Centre de promotion linguistique créé en 1970, soit un an avant la loi de juillet 1971, à la Mission formation continue, il développa et anima une politique d’ancrage dans le milieu socio-économique.
– Ouverture « géographique » enfin, dont le franco-allemand et le transfrontalier étaient les piliers. À l’origine de la création en 1978 de l’ISFATES, alors qu’il était délégué aux relations internationales de l’Université, il poursuivit dans ce sens.
Mais Jean David occupa encore parallèlement d’autres charges, toujours avec le même sens du devoir pétri d’humanité : il fut vice-président de l’Association des Germanistes de l’Enseignement Supérieur (AGES) de 1979 à 1982 et président de l’AGES de 1985 à 1988. Au début et jusqu’au milieu des années 90, il fut également Président et Vice-Président du Collège franco-allemand pour l’enseignement supérieur. Le Collège, qui proposait essentiellement des cursus d’ingénieur, fut dissout au moment de la création de l’UFA.
En avril 1999 (alors qu’il avait pris sa retraite de l’université en 1995), il fut nommé président fondateur du premier établissement d’enseignement supérieur binational par Claude ALLÈGRE, alors ministre de l’Education Nationale. Jean DAVID a marqué de manière décisive la délicate phase de fondation, qui a duré deux ans. « Nous lui en sommes très reconnaissants » déclarent ses successeurs au poste de Président de l’UFA, Hélène HARTH et le Vice-Président Christian AUTEXIER. On continua à le consulter sur bien des sujets et en 2001, il joua à nouveau un rôle déterminant dans le lancement du projet d’Institut polytechnique d’études franco-allemandes et de management (IPEFAM). Dans les différents cercles de décision régionaux, on appréciait la profondeur de sa pensée, sa finesse d’analyse et la sagesse de ses conseils.
Jean David était aussi un membre éminent de l’Académie Nationale de Metz, qu’il avait rejointe dès 1971. Durant les longues années de son implication ardente dans les plus hautes responsabilités universitaires, sa présence aux séances mensuelles de l’Académie fut certes plus épisodique, mais il demeurait très attaché à l’institution. Libéré de ses tâches multiples à compter du début des années 2000, il a tenu à apporter à cette Compagnie de précieux témoignages de son expérience et de son talent, donnant plusieurs communications et contribuant aux deux volumes Metz. L’Annexion en héritage (2012) et Metz. De l’Allemagne à la France. Mémoires de la Grande Guerre (2015).
Il était impossible de ne pas reconnaître ses mérites et son talent, de sorte que les plus hautes distinctions l’ont honoré : officier de la Légion d’Honneur, officier de l’Ordre national du Mérite, commandeur des Palmes académiques, commandeur de l’Ordre du Mérite de la République fédérale d’Allemagne, titulaire de l’Ordre du Mérite de la Sarre.
Apprécié de ses collègues, de ses étudiants et de ses thésards, le Professeur David était un homme de foi, en Dieu et en l’Homme. Universitaire éminent, un des meilleurs spécialistes français de la linguistique allemande, passionné par les questions de didactique des langues, il excellait dans le choix des formules, bien souvent teintées d’humour. Le Président David était un homme de conviction, d’ouverture, de dialogue et de sagesse, toujours attaché à l’intérêt supérieur de l’institution, fin diplomate, initiateur et novateur dans bien des domaines.
Nous le remercions de tout cœur.
Le 22 janvier 2025, jour anniversaire du traité de l’Elysee, l’université de Lorraine a inauguré une Maison du franco-allemand sur le site du Saulcy à Metz. Elle l’a baptisée “Maison du franco-allemand_Jean David”, perpétuant par là même le souvenir de l’action de notre collègue.
Texte rédigé par Gérard Michaux et Françoise Lartillot