Contrat doctoral civilisation allemande/histoire contemporaine (Université Bourgogne Europe) – délai: 5 juin 2025

Merci de contacter Nathalie Le Bouëdec avant le dépôt de la candidature: nathalie.le-bouedec@u-bourgogne.fr

Titre du projet de thèse:
(Re)penser la communication publique des institutions en démocratie ? Le travail des services de presse des Länder (Landespressestellen) en Allemagne de l’ouest (1945-années 1960)

1. Contexte scientifique et état de la recherche
La communication publique des institutions (staatliche Öffentlichkeitsarbeit) dans l’Allemagne d’après 1945 reste un champ largement inexploré, que ce soit en histoire contemporaine ou en sciences de la communication, et ce autant dans la recherche allemande que française, malgré un regain d’intérêt récent (Hubé 2022). En Allemagne, les travaux se sont jusqu’ici surtout concentrés sur la politique de relations publiques des entreprises d’une part (Szyska 2015), sur les périodes de l’Empire et de la République de Weimar (Lau 2003) d’autre part, remettant en question le mythe fondateur selon lequel les relations publiques auraient été une importation américaine de l’après-guerre (Szyska 2011).
Pour la période de l’après-guerre, le seul aspect étudié de façon approfondie est le travail de l’Office fédéral de la presse (Bundespresseamt), et plus globalement la politique d’information et de communication du gouvernement Adenauer. Les résultats des recherches sur le Bundespresseamt menées dans le cadre du projet financé par le gouvernement allemand sur les administrations fédérales et le national-socialisme ont ainsi été publiés en 2023 (Schwarz/Stahl 2023). La communication publique des institutions ne se résumait toutefois pas à celle des autorités fédérales. Il manque ainsi à ce jour des travaux menés à l’échelle régionale ou locale, alors que l’héritage des différentes zones d’occupation et la structure fédérale et décentralisée de la RFA étaient à même de favoriser une diversité de conceptions et de pratiques, comme le montre l’étude des rapports entre l’institution judiciaire et les médias (Le Bouëdec 2024).
Il est par ailleurs établi que l’évolution de l’espace public médiatique constitue un objet privilégié pour étudier les transformations politiques et socioculturelles dans l’Allemagne d’après 1945 (von Hodenberg 2006). Or, la communication publique s’inscrit dans cet espace médiatique et met en jeu une conception des rapports entre État, médias et citoyens. Il semble d’autant plus intéressant d’en étudier les évolutions dans la période de construction de la démocratie ouest-allemande.

2. Problématique, enjeux, méthodologie
Ce projet de thèse en civilisation allemande et histoire contemporaine consistera à étudier le travail des services de presse des Länder (Landespressestellen), en général rattachés à la chancellerie du Land (Staatskanzlei), en analysant leurs archives jusqu’ici très largement inexploitées. L’objectif sera de déterminer selon quels principes et selon quelles modalités la politique de communication des Länder a été (re)pensée et menée après 1945.
• Il s’agira d’une part de s’intéresser aux conceptions de la communication publique élaborées à l’époque – Quels en étaient les objectifs ? Comment concevait-on le rapport aux médias et comment percevait-on ces derniers ? Dans quelle mesure les exigences démocratiques en matière de liberté de la presse, de transparence étaient-elles prises en compte ? – et à la manière dont cela s’est traduit ou non dans l’élaboration de stratégies nouvelles et/ou de normes pour le travail de ces services de presse.
• L’accent sera mis d’autre part sur l’organisation de ces services, les pratiques de la communication (types d’action menées, modalités des contacts avec les médias, etc.) et l’articulation entre normes et mise en pratique.
• Mener l’étude jusqu’aux années 1960 permettra en outre d’analyser dans quelle mesure ces services de presse se sont adaptés face aux demandes des médias et aux mutations politiques et sociales, notamment à partir de la fin des années 1950, marquées par le début d’un processus de libéralisation de la société et la transformation de l’espace public médiatique (émergence d’un journalisme critique, essor de la télévision).
Les nombreux travaux réalisés ces dernières années sur les administrations fédérales après 1945 mettent l’accent sur la question des continuités avec le nazisme et des « secondes carrières » des anciens fonctionnaires nazis au sein des administrations ouest-allemandes. Cette question des continuités et héritages, assumés ou non, devra évidemment être abordée. Néanmoins, se focaliser sur les biographies comporte toujours le risque de présupposer ou de reconstruire a posteriori des liens entre continuités biographiques et idéologiques. Il semble donc plus pertinent de partir dans un premier temps des discours et des pratiques, sans renoncer pour autant à l’éclairage apporté par les parcours individuels. Par ailleurs, la question des continuités ne doit pas se réduire à celles avec le national-socialisme, mais doit être aussi élargie aux héritages antérieurs, et notamment de la période de Weimar, pour déterminer dans quelle mesure la communication publique des institutions a effectivement été repensée après 1945.
Sur le plan méthodologique, le travail s’inscrira à la croisée d’une histoire des médias et de la communication soucieuse d’inscrire les évolutions médiatiques dans le contexte des processus sociaux et culturels et de l’histoire culturelle du politique (voir Mergel 2012). Cette dernière approche a permis de renouveler l’histoire des institutions à partir du postulat que la réalité se construit dans et par les discours et les représentations symboliques : il est donc nécessaire de partir des perceptions et des catégories des acteurs, d’une part, et d’autre part d’envisager les institutions comme des communautés discursives avec leurs modalités de communication et pratiques spécifique. Cette approche conduit à favoriser une perspective bottom-up au plus près des acteurs.
La thèse nécessitera un important travail de dépouillement d’archives. Il faudra sans doute opérer un travail de sélection et se concentrer sur quelques Länder en tenant compte de leur poids et de leur statut, des zones d’occupation dont ils faisaient partie ou encore de la couleur politique des gouvernements : la Rhénanie du Nord-Westphalie, en tant que Land le plus peuplé et celui où se trouvait la capitale fédérale Bonn, et la Hesse, bastion social-démocrate (alors que le gouvernement fédéral était dirigé par les chrétiens-démocrates), apparaissent ainsi comme deux Länder pouvant servir de point de départ. La sélection pourra toutefois aussi résulter de contraintes pragmatiques en fonction des sources disponibles dans les archives, qui en général varient selon les Länder et les administrations.

3. Objectifs
La thèse se fixera les objectifs suivants :
– proposer la première étude de la politique de communication publique des Länder en dépouillant des archives jusqu’ici négligées ;
– apporter une nouvelle contribution à l’histoire de la communication publique des institutions ouest-allemandes 1) en changeant d’échelle et en se plaçant au niveau régional pour essayer de dresser un panorama des différentes conceptions et pratiques et de leurs évolutions, 2) en ne se focalisant pas sur la question des continuités avec le nazisme en matière de personnel, mais d’abord sur les discours et les pratiques ;
– jeter un nouvel éclairage sur l’histoire de la démocratie (ouest-)allemande via l’étude des processus d’adaptation et d’apprentissage au quotidien d’acteurs « de second rang ».

4. Environnement de travail
• Laboratoire de rattachement : Centre Interlangue TIL (EA 4182), équipe Individu et Nation
Le travail s’inscrira tant dans le projet de l’équipe Individu & Nation intitulé « Sociétés en mouvement : dynamiques, transformations, conflictualités » et en particulier dans son axe 2 « Démocratie : acteurs, stratégie et pratiques ». La thèse viendra enrichir le volet historique du projet ainsi que les travaux sur l’aire germanophone
• Cotutelle de thèse et collège doctoral franco-allemand Dijon-Mayence
Une cotutelle avec Michael Kißener, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Mayence, est envisagée afin que le/la doctorant.e puisse bénéficier de son expertise sur la période ainsi que d’un environnement scientifique favorable pour une thèse touchant à l’histoire contemporaine de l’Allemagne.
Le collège doctoral franco-allemand Dijon-Mayence, soutenu par l’Université franco-allemande, offrira au ou à la doctorant.e la possibilité de présenter les travaux en cours dans le cadre des journées doctorales, d’échanger avec d’autres doctorant.e.s de différentes disciplines ainsi que d’obtenir des financements indispensables pour des séjours de recherche en archives.
• L’inscription recommandée au CIERA (Centre interdisciplinaire d’études et de recherches sur l’Allemagne) permettra par ailleurs de bénéficier de formations complémentaires et de postuler à des aides à la mobilité.
• Une charge de cours au département d’études germaniques pour le ou la doctorant.e serait envisageable.

5. Calendrier et modalités de candidature
La candidature se fait uniquement en ligne via le site de l’Ecole doctorale

Proposition de contrats doctoraux

• Délai de candidature : 5 juin 2025

• Audition des candidat.e.s : 1er juillet 2025

• Contrat doctoral de 3 ans. Début du contrat : 1er octobre 2025

• Renseignements : nathalie.le-bouedec@u-bourgogne.fr

6. Bibliographie indicative
Achim Bonte, Werbung für Weimar? Öffentlichkeitsarbeit von Großstadtverwaltungen in der Weimarer Republik, Mannheim, Palatium-Verlag, 1997.
Ariane d’Angelo, Promouvoir la RFA à l’étranger 1958-1969. L’exemple de la France, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2018.
Christina von Hodenberg, Konsens und Krise. Eine Geschichte der westdeutschen Medienöffentlichkeit 1945–1973, Göttingen, Wallstein, 2006.
Nicolas Hubé, La politique des chemins courts. Un siècle de relations entre journalistes et communicants gouvernementaux en Allemagne (1918-2018), Editions du Croquant, 2022.
Michael Kunczik, Geschichte der Öffentlichkeitsarbeit in Deutschland, Cologne, Böhlau, 1997.
Matthias Lau, Pressepolitik als Chance. Staatliche Öffentlichkeitsarbeit in den Ländern der Weimarer Republik, Stuttgart, Steiner, 2003.
Nathalie Le Bouëdec, La justice ouest-allemande face aux médias (1945-1963) : l’impossible relation de confiance ?, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2024.
Thomas Mergel, „Kulturgeschichte der Politik“, in: Frank Bösch/Jürgen Danyel (Hg.), Zeitgeschichte – Konzepte und Methoden, Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen 2012, p. 187–203.
Angela Schwarz / Heiner Stahl, Kontaktzone Bonn. Das Presse- und Informationsamt der Bundesregierung und die staatliche Öffentlichkeitsarbeit 1949–1969, Göttingen, Wallstein, 2023.
Peter Szyszka, „Berufsgeschichte Public Relations in Deutschland“, in: Romy Fröhlich/Peter Szyszka/ Günter Bentele (dir.), Handbuch der Public Relations, Wiesbaden 2015, p. 487–510.
Peter Szyszka, „Deutsche PR-Nachkriegsgeschichte als Berufsfeldgeschichte. Ein revidiertes Phasenmodell“, Medien & Zeit 26 (1), 2011, p. 39–53.