En Allemagne, plus d’une mère sur trois ayant des enfants mineurs a une histoire migratoire ; environ quatre cinquièmes de ces mères sont elles-mêmes immigrées (Gambaro et al. 2024). En France, la moitié des personnes ayant un parcours migratoire sont des femmes : le taux de natalité parmi les femmes issues de l’immigration y est significativement plus élevé que celui des femmes sans expérience migratoire (Reynaud/INSEE 2023). Les mères qui ont elles-mêmes migré vers l’espace germanophone ou francophone de l’Europe, ou dont les parents ont vécu une expérience migratoire, font donc depuis longtemps partie de la normalité de nos sociétés (post-)migrantes.
Cependant, les femmes, et en particulier les mères issues de l’immigration, sont encore bien trop peu prises en compte dans les discours publics ainsi que dans les domaines de la littérature, des médias et des sciences culturelles (Hertrampf/Nohe/Hagen 2021, pp. 13-14). Et pourtant, leurs défis sont d’une nature particulière : la situation des femmes dites en situation irrégulière est particulièrement précaire, notamment lorsqu’elles sont enceintes ou vivent avec de jeunes enfants dans des hébergements temporaires, voire à la rue (Bremer 2023). Les défis liés à l’éducation linguistique, culturelle et religieuse des enfants dans un contexte culturel différent sont certes moins vitaux, mais tout aussi complexes en termes de construction identitaire et d’image de soi (Boukhobza 2003).
Le collectif belge Entre-Mères (https://eyadasbl.be/entre-meres-migrantes/) ainsi que l’initiative allemande My Migrant Mama (https://www.mymigrantmama.com/) tentent, par le recours à la narration, d’autonomiser les mères migrantes (et leurs enfants) et de réécrire les récits migratoires nationaux dans l’esprit d’une société (post-)migrante. Ces récits migratoires de mères migrantes, ou sur les mères ayant un passé migratoire, se retrouvent également de manière diverse dans la littérature, la bande dessinée et le cinéma – tant pour les adultes que pour les jeunes et les enfants.
Le colloque se concentrera sur l’exploration transdisciplinaire des représentations des mères issues de l’immigration dans des textes littéraires, des films et des romans graphiques de langue allemande et française produits au cours des trois dernières décennies. Seront prises en compte à la fois les perspectives externes et internes, c’est-à-dire aussi bien des œuvres d’auteur·e·s ayant eux-mêmes une expérience migratoire que celles d’auteur·e·s n’ayant pas un tel vécu.
Le choix de la période s’explique notamment par la volonté d’analyser dans quelle mesure la représentation esthétique des mères issues de l’immigration a évolué parallèlement à la « normalisation » croissante des personnes ayant une biographie migratoire, et ce dans le contexte des politiques migratoires et d’intégration spécifiques aux pays germanophones et francophones.
Cette conférence, pensée dans une perspective comparatiste, poursuit deux objectifs :
Sur le plan socioculturel, l’analyse des récits (semi-)fictionnels portant sur la maternité (post-)migrante visera à montrer dans quelle mesure les expériences vécues par les mères issues de l’immigration peuvent être perçues, dans différents pays, comme une normalité enrichissante sur les plans culturel et sociétal – dans l’esprit d’une « société postmigrante » (Foroutan 2018). Pour clarifier il faut préciser pour un publique français que le concept sociologique de la postmigration, défini par des chercheurs allemands tels que Naika Foroutan, désigne une société marquée par l’expérience de la migration et décrit une attitude qui considère les cultures et les sociétés comme dynamiques et hybrides.
Du point de vue des études littéraires et médiatiques, l’accent sera mis sur des conceptions « autres » de la maternité afin d’apporter une nouvelle contribution à la relecture des représentations littéraires et cinématographiques de ces expériences maternelles, en s’écartant des topoi traditionnels de la mère (dans la continuité, par exemple, de Hertrampf 2024) et en se focalisant sur les expériences en tant que mère (post-)migrante.
Bibliographie
Boukhobza, Noria (2003): „Le paradoxe des mères migrantes“. Empan 51, p. 118-123.
Bremer, Ulrike (2023): Helfen gegen Widerstände. Die Ärztinnen von Montfermeil/Mères migrantes: des femmes médecins s’engagent, Dokumentarfilm ARTE.
Foroutan, Naika (2018): « Die postmigrantische Perspektive. Aushandlungsprozesse in pluralen Gesellschaften », in: Hill, Marc/Yıldız, Erol (dir.): Postmigrantische Visionen. Erfahrungen – Ideen – Reflexionen, Bielefeld : transcript, p. 15-27.
Gambaro, Ludovica/Gutu, Lidia/Schmitz, Sophia et al. (dir.) (2024): Mütter mit Zuwanderungsgeschichte. Ihre Erwerbs- und Sorgearbeit, Geschlechternormen und schulischen Unterstützungsleistungen, Wiesbaden: Bundesinstitut für Bevölkerungsforschung (BiB).
Hertrampf, Marina Ortrud (dir.) (2024): Mater Genetrix. Les images de la mère dans la littérature contemporaine d’expression française, Berlin: De Gruyter 2024, DOI: 10.1515/9783111558752.
Hertrampf, Marina Ortrud/Nohe, Hanna/Hagen Kirsten von (dir.) (2021): Au carrefour des mondes | An der Schnittstelle der Welten. Récits actuels de femmes migrantes | Aktuelle Narrative von migrierenden Frauen, München: AVM.
Reynaud, Didier (Insee (2023): „Combien les femmes immigrées ont-elles d’enfants ?“, https://www.insee.fr/fr/statistiques/6801884 (9/4/2025).
Veuillez envoyer votre proposition de communication (maximum 400 mots) ainsi qu’une biobibliographie (environ 200 mots) au plus tard le 31 décembre 2025 à Anne-Sophie GOMEZ (a-sophie.gomez@uca.fr) ET Marina Ortrud Hertrampf (marina.hertrampf@uni-passau.de).
Les langues de la conférence sont l’allemand et le français.
Une publication des actes du colloque est prévue.
Les décisions d’acceptation ou de refus seront communiquées en février 2026.
Organisation :
Anne-Sophie Gomez (Université Clermont Auvergne) et Marina Ortrud Hertrampf (Université de Passau)
Comité scientifique :
Cécilia Brassier (Université Clermont Auvergne)
Catherine Milkovitch-Rioux (Université Clermont Auvergne)
Nathalie Vincent-Munnia (Université Clermont Auvergne)